Depuis quelques jours maintenant, je cauchemarde toutes les nuits, de vraies terreurs nocturnes. Mon passé, comme mon possible avenir me hante et je ne sais pas encore comment véritablement m'en défaire.
Je me vois seul au fond d'un lit d'hôpital, les joues creusées par mon mal-être, plus vieux que je ne le suis aujourd'hui, épuisé, amaigris et n'attendant que me propre fin, dans les ténèbres de ce qui semble être une nuit d'hiver. Puis je me réveille brusquement avant de rendre mon dernier souffle. Tout ca me semble tellement réel, tellement vrai. Ce rêve m'effraie car je sais pertinemment que c'est ce qui m’attend si je n'arrive pas à manger plus, à prendre du poids, beaucoup de poids.
10kg, ca peut sembler simple pour beaucoup de personnes, pour tous les gens que je croise tous les jours d'ailleurs. Les glaces à l'italienne quand vient l'été sont leurs pires ennemies et moi, je ne suis même pas tentée par toutes ces calories qui feraient pourtant mon bonheur. Je suis encore bien loin d'une véritable guérison comme j'ai eu le tort de le penser il y a quelques mois. Je suis entre deux eaux finalement, entre l'anorexie, la vraie, celle où je n'ai plus aucun contrôle sur mon propre corps et la guérison. Mais les deux semblent si éloignées de moi, je stagne, plane en attendant des jours meilleurs. Et plus je pense, moins je mange, et moins je mange plus je pense et me pose un tas de questions qui n'ont aucun sens, aucune réponse. Là réside tout le problème.
Cette maladie, mon démon joue avec moi, mon poids fait le yoyo autour de la barre des 40kg. 44kg, 42,9kg, 41,7kg, 42,3 de nouveau, mais au fond c'est de pire en pire. Je ne veux pas perdre espoir, je ne veux pas échouer. Je ne dois pas, je ne peux pas et je ne veux pas perdre. La perspective d'une mort lente, à l'agonie ne me fait que plus peur et renforce mes convictions, je dois gagner contre la maladie.
Mais les cauchemars appelant la mort continuent de faire fis dans ma tête. Mes démons serait-ils donc multiples et froids, jouant avec moi comme on manipule un vulgaire pantin ? Ont-ils vraiment plus de pouvoir que je n'ai de volonté, comme semble le sous-entendre mon psychiatre qui ne croit qu'au pouvoir sacré des antidépresseurs ?
Je me demande bien où je cours à ce rythme effréné, coincé entre anorexie, dépression, soutien et sourires. Car oui, l'anorexie est une bien vil maladie, une bien vil créature qui apporte avec elle son lot d'amis. Dépression, dénigrement et dévaluation de soi-même sont aujourd'hui ancrés dans mon quotidien, sont un combat de plus à mener au front et pour le quel je ne veux d'aucune arme chimique. Je ne veux plus de médicaments, je ne veux plus de drogues, je ne veux plus d'un verre et encore moins d'une cigarette, mais ce sont bien les seuls que j'ai à porter de main.
Mais je sais au fond de moi, je sens que j'ai autour de moi des mains tendues, prêtent à me soutenir et à me retenir dans les tempêtes, et c'est le plus précieux des remèdes, celui à ne jamais perdre de vue qui me fait garder tant d'espoir en moi.